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Energies bas-carbone : analyser le big bang de données satellite avec l’IA

Au CSTJF à Pau, une équipe de chercheurs de TotalEnergies observe et analyse la Terre depuis l’Espace pour fournir des données géospatiales innovantes. Anthony Credoz, chef de projet en observation de la Terre et Intelligence Artificielle, est en charge du projet DEMETER qui fournit une application d’évaluation des émissions de gaz à effet de serre et de détection des éventuelles fuites sur sites. L’outil permet également la prospection et le suivi de sites de production d’énergies solaire et éoliennes ainsi que l’observation des écosystèmes autour des installations de la Compagnie TotalEnergies pour évaluer la biodiversité, le stockage de carbone et l’évolution de la ressource en eau. Portrait d'Anthony Credoz.

 

Anthony, peux-tu nous expliquer comment est né ce projet et quels sont les moyens qui t’ont permis, avec ton équipe, de le développer au sein de la Compagnie ?

Le projet DEMETER est né en 2019 de l’esprit pionnier et innovant des quelques chercheurs du CSTJF qui étudiaient la Terre depuis des milliers de kilomètres sous la surface du sol jusqu’à plusieurs centaines et milliers de kilomètres en orbite. Nous terminions une collaboration de recherche avec l’Office national d'études et de recherches aérospatiales (ONERA), sur l’utilisation des images satellite et aéroportées pour les besoins de la Compagnie. Dans le domaine du spatial, une révolution était en marche : l’ESA (Agence Spatiale Européenne) et la Commission Européenne avaient lancé plusieurs missions satellitaires qui allaient révolutionner le monde de l’observation de la Terre depuis l’Espace (Programme Copernicus : missions Sentinel-1, Sentinel-2 Sentinel-5P entre autres). Des images prises par satellite étaient disponibles partout sur Terre à différentes fréquences d’acquisition (visible, infra rouge, radar) et à des résolutions spatiales plus fines, tout cela gratuitement. Mais l’image seule ne suffisait pas pour nos nouvelles applications business et il fallait analyser ce grand volume de données en un temps limité. Le projet DEMETER a alors été créé pour faire se rencontrer cette nouvelle ressource colossale d’imagerie satellite, l’expertise de nos chercheurs et les nouveaux outils d’intelligence artificielle (IA) et de calcul « Cloud ». Trois axes principaux de recherche ont été données : la détection et la quantification de nos émissions de gaz à effet de serre, la surveillance de notre environnement dans et autour de nos installations (ressource en eau, végétation, biodiversité), la prospection de sites favorables au développement de fermes solaires et éoliennes, à terre ou en mer.

 

La première version de DEMETER a été proposée en interne en 2022. Il a dû y avoir de fortes évolutions en deux ans. Qu’en est-il ?

En effet, deux ans, c’est très long dans le domaine du logiciel et de l’IA. Lors du lancement de l’application DEMETER 1.0, nous souhaitions démocratiser auprès de tous nos collègues de la Compagnie l’utilisation de cette ressource nouvelle d’imagerie depuis l’Espace pour prospecter et surveiller nos sites. C’était un travail scientifique, technique et très pédagogique basé sur de premiers algorithmes de sensibilisation à la puissance de ces technologies croisées d’observation de la Terre, d’IA et de calcul dans le Cloud.

Fin 2023, nous avons lancé DEMETER 2.0 en doublant le nombre de produits d’analyse d’images satellite et facilitant la navigation à nos collègues. En 2024, nous faisons en sorte que nos collègues n’utilisent pas une nouvelle application mais puissent appeler nos algorithmes d’analyse directement depuis leur environnement de travail du quotidien, c’est la révolution API (application programming interface). Après deux ans, nous appelons toujours les mêmes sources d’images mais les algorithmes d’analyse que nous avons développés répondent à des besoins opérationnels plus précis et sont de vrais outils d’aide à la décision. Les liens avec nos collègues des opérations se sont renforcés pour transférer le fruit de notre travail dans les différentes branches de la Compagnie.

Découvrez Anthony Credoz, chef de projet TotalEnergies en observation de la Terre et Intelligence Artificielle à Pau et le projet DEMETER en vidéo.
 

 

Dans la vidéo, tu évoques ton goût, pour les cartes et l’observation de la terre. Peux-tu nous expliquer ton parcours et nous donner un aperçu de ton quotidien ?

Ce goût pour les cartes vient d’un désir permanent d’exploration et d’aventure depuis petit. J’ai découvert l’imagerie spatiale il y a plus de 20 ans maintenant, à Toulouse, lors de mes études d’ingénieurs, où nous étudions notamment l’évolution des forêts et des cultures vues de l’Espace avec les outils d’analyse de l’époque. Je passais tous les jours à vélo devant les installations du CNES (Centre Spatial Français). Une belle entrée en matière. Lors de mon doctorat et mes premières années comme consultant et chercheur à l’étranger, j’ai travaillé sur les problématiques complexes de stockage géologique de CO₂, mais aussi de déchets radioactifs ou de gaz à plusieurs centaines, milliers de kilomètres sous la surface. Cependant, j’ai toujours essayé de garder un lien avec la proche surface et les impacts potentiels de ces activités industrielles sur notre environnement, et la donnée satellite était un moyen de suivre ces impacts. Dès mon arrivée chez Total en 2015, au PERL (Pôle d’Etudes et de Recherches de Lacq), des chercheurs et managers du CSTJF m’ont mis le pied à l’étrier pour participer à l’aventure de la télédétection dans la Compagnie en parallèle de recherche à mener sur la surveillance des ressources clés des sols et des eaux souterraines. Et ça fait bientôt dix ans que ça dure.

Mon quotidien, c’est le quotidien d’une équipe basée majoritairement à Pau, palois de naissance pour certains ou d’adoption pour d’autres. Nous travaillons avec passion sur la physique de l’image, les algorithmes, l’ergonomie pour nos collègues. Nous restons toujours éveillés aux évolutions de ces mondes hyper dynamiques que sont le Spatial, l’IT et l’IA. Nous acceptons aussi la responsabilité de transmission qu’il faut assurer pour que le fruit de nos recherches soit utile à nos collègues des opérations. Les enjeux de réduction de nos émissions de carbone, de développement des énergies renouvelables et bas carbone animent toute l’équipe dans les bureaux de Pau ou en conférence internationale de l’autre côté du globe.

 

Tu travailles à Pau, au CSTJF, selon toi, quels sont les spécificités de ce centre d’expertises et de renommée mondiales niché entre les Pyrénées et l’océan Atlantique ?

Aujourd’hui, notre grande richesse au CSTJF, ce sont les gens. Nous avons des centaines de collègues de haut niveau d’expertise entre Pau et Lacq avec des infrastructures de recherche reconnues mondialement : l’aventure PANGEA et les équipes du calcul haute performance à Pau ou la plateforme pilote à Lacq sur les lâchers contrôlés de gaz, l’agrivoltaïsme et la ressource en eau sont deux exemples stimulants pour les chercheurs. Nous disposons aussi d’infrastructures d’idéation, innovation et accélération de nos projets avec un Booster et un Fablab. C’est notamment là que nous discutons des missions actuelles et futures de nos drones. La région nous offre des sites d’essais pour les acquisitions satellite, drone et terrain en milieu industriel, agricole, forestier.

Nous profitons aussi du cadre naturel régional exceptionnel sur la côte, au bord du Gave, en montagne ou au Hameau pour se retrouver entre collègues, faire le bilan de nos réussites et préparer l’avenir.